Sommaire
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Des débuts prometteurs pour Theranos
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Des levées de fonds mirobolantes
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L’arnaque du siècle ?
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Un jugement exemplaire attendu
Il aura fallu trois mois de procès et sept jours de délibération au jury du tribunal de San José pour arriver à la conclusion suivante : Elizabeth Holmes est coupable d’avoir escroqué ces investisseurs à hauteur de 700 millions d’euros. La créatrice de la start-up Theranos souhaitait, grâce à son entreprise, promouvoir des appareils permettant de délivrer des diagnostics sanguins à partir d’une seule goutte de sang. Ramesh « Sunny » Balwani, ex-directeur des opérations de l’entreprise est lui aussi impliqué dans ce scandale, accusé par son ex-compagne Elizabeth Holmes d’être responsable de certains problèmes techniques. Holmes encourt une dizaine d’années de prison tandis que Balwani sera jugé séparément.
Des débuts prometteurs pour Theranos
Elizabeth Holmes a seulement 19 ans en 2003 lorsqu’elle quitte la prestigieuse université de Stanford pour lancer sa start-up. Onze ans plus tard, elle devient la plus jeune femme milliardaire de l’histoire dont la fortune ne provient pas d’un héritage. Idée novatrice, personnalité appréciée et mécènes convaincus, avec Theranos, le plan de la star montante de la Silicon Valley semble presque parfait. Un détail pour le moins important manque tout de même : les produits commercialisés sont défaillants.
Elizabeth Holmes est la fille d’une assistante parlementaire et d’un ancien directeur d’Enron, une entreprise du secteur de l’énergie qui a été au cœur d’un des plus grands scandales de fraude et de manipulation financière en 2001. Après ses études, la jeune Elizabeth fait très rapidement le choix de lancer son entreprise, Theranos. Basée à Palo Alto, en Californie, celle-ci conçoit et commercialise des outils de diagnostic sanguin qui se veulent plus rapides et moins chers que ceux des laboratoires traditionnels.
Des levées de fonds mirobolantes
Pour lancer son projet, l’entrepreneure fascine le petit monde fermé de la Silicon Valley et parvient à convaincre de généreux donateurs et des poids lourds de la finance, comme l’homme d’affaires Rupert Murdoch qui y investit près de 100 millions de dollars. Grâce à ses levées de fonds mirobolantes (jusqu’à 900 millions de dollars), la machine Theranos se met en marche et le succès semble annoncé. Un partenariat avec la chaîne de pharmacie Walgreens est établi en 2003, des tests sanguins commencent à être proposés à la ville de Phoenix dans l’Arizona et l’entreprise prend de plus en plus de valeur. En 2014, l’entreprise d’Elizabeth Holmes est évalué à plus de 9 milliards de dollars et emploi jusqu’à 800 personnes. Cependant, un an plus tard, des journalistes du Wall Street Journal dévoilent une supercherie inimaginable.
- Elizabeth Holmes, fondatrice et ancienne PDG de Theranos, au tribunal de district des États-Unis. @ABACA Photo de Yichuan Cao
- La fondatrice et PDG de Theranos, Elizabeth Holmes, photographiée à 29 ans tenant un nanotainer de sang au siège de Theranos à Palo Alto, le lundi 30 juin 2014. @ABAC Photo de Martin E. Klimek
L’arnaque du siècle ?
Craignant les piqûres d’aiguille lorsqu’elle était enfant, Holmes a imaginé une machine permettant de soulager celles et ceux qui, comme elle, ne supportaient pas les prises de sang. Cet outil, bien que fortement attendu, ne sera jamais totalement abouti. En octobre 2015, lorsqu’une enquête du Wall Street Journal remet en cause les appareils de Theranos et rapporte des défauts de fabrication et des imprécisions multiples dans les diagnostics, débute alors une descente aux enfers pour Elizabeth Holmes. Theranos avoue aux autorités américaines en 2016 que les milliers de tests effectués sur ses machines en 2014 et en 2015 ne sont pas recevables. Un an plus tard, l’entreprise supprime 41 % de ses effectifs. Dernièrement, lors du procès de San José, des employés témoignent avoir prévenu la PDG de la grande défaillance du matériel conçu.
À la barre, Elizabeth Holmes, elle, ne l’entend pas de cette oreille et affirme: » Nous étions sur la bonne voie pour accomplir nos objectifs » puis s’effondre. Holmes affirme que son ex-compagnon et ex-directeur des opérations de Theranos, Ramesh Balwani, serait responsable de défauts techniques du matériel. De plus, la fondatrice affirme qu’il aurait également abusé sexuellement d’elle plusieurs fois.
« Nous étions sur la bonne voie pour accomplir nos objectifs » Elizabeth Holmes à la barre lors de son procès au tribunal de San José
Un jugement exemplaire attendu
À la sortie du tribunal, l’espoir déchu de la Silicon Valley ne daigne répondre à aucune question. Après plus de trois mois de témoignages dont certains poignant, comme celui d’une femme enceinte qui raconte comment elle a cru, à tort, avoir fait une fausse couche à cause d’un résultat de test donné par Theranos, Holmes s’en va. Elle a été retenue coupable de fraude et d’escroquerie et acquittées pour d’autres chefs d’accusation non retenus et risque jusqu’à vingt ans de prison.
Lance Wade, l’avocat d’Elizabeth Holmes affirmait au début du procès: « L’échec n’est pas un crime, persévérer et ne pas y arriver non plus » avant de poursuivre « Mme Holmes a tenté jusqu’au bout de sauver sa société, ne vendant jamais une part ». Sa peine sera annoncée dans plusieurs semaines seulement. En attendant, Holmes est en liberté sous caution et laisse derrière elle l’image d’une femme entreprenante qui aura su manipuler de nombreux investisseurs sans aucun scrupule. Et crée un précédent de taille dans les interactions et les résultats attendus entre les start-ups de la Silicon Valley et leurs généreux pourvoyeurs de fonds.