Sommaire
-
La première banquière « verte »
-
Le développement durable mainstream
-
La force de l’argent
-
Finalement, moins c’est plus
-
Plus de transparence sur les investissements
-
Une voie suisse
-
L’Europe en retrait
La première banquière « verte »
C’est l’une des rares femmes à la tête de la finance suisse. Dans une longue interview à la presse régionale, Antoinette Hunziker-Ebneter (61 ans) revient sur ses engagement en faveur d’une finance durable.
Diplômée de la prestigieuse université St Gallen, cette banquière “verte”, ancienne dirigeante de la Bourse helvétique, crée avec des associés sa propre “boutique” Forma Futura Invest en 2006, “une société d’investissements dans les domaines du développement durable”.
Le développement durable mainstream
A ses débuts, “les banquiers chevronnés ont ricané » mais “le vent a tourné, le développement durable est devenu mainstream et Antoinette Hunziker-Ebneter -une outsider- s’est imposé comme une créatrice de tendances”, écrit le Luzerner Seitung. “
Dès la création de la société, j’étais convaincue que le développement durable finirait par devenir une tendance de fond. Mon espoir à l’époque était d’être encore là lorsque 25 % de tous les investissements seraient durables. Aujourd’hui, nous en sommes déjà à 30 % en Europe, et je suis toujours en vie”, témoigne-t-elle.
La force de l’argent
Pour elle, “le développement durable n’est pas une mode, c’est une nécessité”. (…) Chez Forma Futura, les placements financiers durables sont notre « raison d’être », et la durabilité est ancrée dans les statuts depuis le début”, explique celle qui est devenue également la présidente de la Banque Cantonale de Berne (BCBE), l’une des pionnières de la finance durable.
Pour elle, “le rôle des places financières est énorme, elle peuvent et doivent prendre leurs responsabilités en organisant les flux financiers lors des décisions de placement et d’octroi de crédit. L’argent a une force considérable, c’est une forme d’énergie”.
Finalement, moins c’est plus
Avec des accents très marxistes, la banquière bernoise constate que “nous souffrons encore aujourd’hui du fait que, pendant des décennies, l’économie n’a poursuivi qu’un seul et unique objectif : la maximisation des profits. Nous ne devons pas répéter cette erreur en matière de durabilité. (…) Nous sommes une société d’abondance. Nous devons apprendre que moins c’est plus”.
Manifestation anti-greenwashing devant la Deutsche Bank juin 2022 / Photo: Boris Roessler/DPA/ABACAPRESS.COM
Plus de transparence sur les investissements
“Il faut financer la transformation vers plus de durabilité, vers de nouveaux modèles d’entreprises viables. Et pour cela, les entreprises doivent faire preuve de transparence tout au long de la chaîne de valeur. (…) C’est une toute nouvelle façon de penser pour les entreprises qui, auparavant, ne cherchaient qu’à faire du chiffre”.
Mais la présidente de la Banque Cantonale Bernoise souhaite que les médias fassent preuve de plus de vigilance et que les politiques, en Suisse et en Europe, agissent efficacement pour qu’il y ait plus de transparence sur les investissements durables.
Une voie suisse
Elle s’interroge ainsi sur la méthodologie de l’Union européenne en la matière. “Les banques européennes, les fournisseurs de fonds et les gestionnaires de fortune doivent mettre cela en œuvre d’ici la fin de l’année, sans savoir comment. C’est contre-productif en termes de durabilité”, regrette-elle. “Alors, je préfère la voie suisse, plus lente”. Même si l’UE et la Suisse partage les mêmes objectifs – protéger les investisseurs du greenwashing – les approches sont différentes.
La taxonomie européenne est “une sorte de guide d’investissement qui définit ce qui est vert et ce qui ne l’est pas”. De son côté, la Suisse a mis en place un label de transparence, le Swiss Climate Scores qui permet de juger si un portefeuille ou un fond est climato-compatible en s’appuyant sur plusieurs indicateurs.
L’Europe en retrait
Antoinette Hunziker-Ebneter pense que l’Europe devrait être plus offensive. “L’origine de la finance durable est en Europe, mais ce sont les États-Unis qui donnent le ton aujourd’hui », regrette-t-elle.
“Je trouve exaspérant que toutes ces agences de notation soient déjà américaines, et l’histoire se répète maintenant dans le domaine de la durabilité. Pourquoi les Européens ne seraient-ils pas capables d’élaborer des normes internationales ?”.
Pour elle, l’Europe doit maintenir « son rôle de pionnier dans ce domaine. D’autant plus que c’est en Europe que l’on investit le plus dans la durabilité”.