Cette exposition, “c’est le maillon manquant dans notre histoire de l’art” s’enthousiasme sa commissaire Martine Lacas. Pour la première fois, 70 toiles sont réunies pour dévoiler le rôle joué par ces artistes femmes, renommées à leur époque, mais effacées ensuite de l’histoire de l’Art. Comment expliquer cet “oubli” ? Certes, les femmes étaient assignées à leur rôle d’épouse et mère, et pour des raisons de bienséance n’avaient accès ni aux ateliers ni à l’étude du nu, crucial pour prétendre au “grand genre”, la peinture d’histoire. Refusant de se résigner à leur absence, Martine Lacas a étudié tableaux, articles de presse, livrets des salons et commandes de particuliers ou d’Etat. Autant de témoignages qui attestent de l’excellence de leur art, notamment dans les genres dits mineurs comme la nature morte, les scènes de vie quotidienne et surtout le portrait qui leur assure une indépendance financière.
“Un combat contre l’oubli”
La plus connue de ces artistes, Élisabeth Vigée Le Brun, portraitiste de Marie-Antoinette, est la première femme acceptée à l’Académie dès 1783 non sans susciter de passionnées controverses sur l’inquiétante féminisation des Beaux Arts. Avec la Révolution, les profonds changements dans la société vont permettre à de nombreuses jeunes femmes d’accéder à des formations de qualité, jusqu’alors réservées aux filles d’artistes peintres. Bravant les interdits elles commencent à fréquenter des ateliers de renom, parfois mixtes, parfois exclusivement féminins. L’exposition montre d’ailleurs plusieurs tableaux illustrant la vie des ateliers, comme “L’atelier de Madame Vincent en 1800” de Marie-Gabrielle Capet (1808). La plus grande salle de l’exposition est le Salon, lieu où nombre d’artistes femmes exposent alors et accèdent à la notoriété. Certaines ont d’ailleurs osé la grande peinture d’histoire, comme Pauline Auzou, avec “Novès et Alix de Provence” (1816). Riche en portraits et autoportraits, l’exposition illustre aussi comment les femmes s’affirment en tant que créatrices, tel “L’auteur à ses occupations” (1793) où Marie-Nicole Vestier, fille et épouse de peintre, se présente palette à la main, près d’un berceau.
« Peu de visiteurs masculins »
Jusqu’à la monarchie de Juillet qui les renverra à leurs fonctions domestiques, ces artistes peignent en virtuoses des femmes décorsetées, comme ce “Portrait de Marie-Antoinette en robe de mousseline dite “à la créole”” (1783) d’Elisabeth Vigée Le Brun, détournent des sujets masculins avec l’humour d’une Nisa Villers et son “Portrait de Madame Soustras” (1802) ou encore posent telle Isabelle Pinson et son “Attrapeur de mouche” (1808) un regard énigmatique sur leur époque. “Le propos de l’exposition était de ne pas enfermer leur création dans une catégorie qui s’appellerait “art féminin” et je pense qu’on aura achevé le combat quand on ne sera plus obligées de faire une exposition sur les peintres femmes… mais il y a du chemin encore”, conclut la commissaire d’exposition Martine Lacas. Difficile de lui donner tort en constatant l’absence de visiteurs masculins lors de notre passage.
« Peintres femmes, 1780-1830, naissance d’un combat » , Musée du Luxembourg , jusqu’au 4 juillet. Réservation : museeduluxembourg.fr
Elles font l’abstraction
Le Centre Pompidou fête sa réouverture avec l’exposition “Elles font l’abstraction.” Cette fois encore, il s’agit de relire l’histoire de l’art pour y restituer l’apport des femmes … Plus d’une centaine d’artistes depuis les origines du mouvement abstrait dès 1860 jusqu’à 1980 y sont exposées. Méconnues voire inconnues, venues de tous horizons et pays, elles sont les dignes héritières des pionnières françaises exposées au Musée du Luxembourg.
“Elles font l’abstraction”, Centre Pompidou, jusqu’au 23 août. Réservation : centrepompidou.fr