Entreprendre autrement: l’Afrique de Bola Bardet

Bola Bardet, 38 ans, à cheval sur l'Afrique et l'Europe, lance SUSU à la suite d'un drame familial. Sa mission : permettre à la diaspora africaine de fournir à ses proches des soins de qualité. Après un brillant parcours dans de grands groupes, ses envies d'Afrique et d'entrepreneuriat lui font franchir le pas en 2019. Entretien.

Sommaire

  • Envies d’Afrique et d’entrepreneuriat
  • Des soins de qualité pour tous
  • La tech au secours de l’Afrique
  • Femme, noire et entrepreneure
  • Un business de frontières
  • Déléguer, s’organiser

 

Afrique

Bola Bardet, CEO-fondatrice de SUSU

 

Fondatrice et CEO de la startup SUSU, société de e-santé pour la diaspora d’Afrique, Bola Bardet est bi-culturelle, française et béninoise. Elle vit en Suisse mais développe SUSU à partir de la France en couvrant le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Cameroun. 

Mère pharmacienne, “indépendante, elle n’a jamais été salariée” remarque-t-elle, et père ingénieur dans le public -ses deux rôles modèles- elle rejoint le groupe de luxe Richemont après des études de commerce. Elle y reste huit ans avant de travailler trois ans dans la banque privée chez J.P. Morgan.

Elle enchaîne sur une expérience de consultante en transformation numérique. “Je gagnais bien ma vie mais je m’ennuyais un peu. L’Afrique me manquait, je voulais d’une façon ou d’une autre contribuer à son développement”.

Envies d’Afrique et d’entrepreneuriat

Un passage à l’Executive MBA d’HEC Paris la conforte dans son envie, “il y avait beaucoup d’Africains”. Mais un drame personnel va aussi changer son destin. “J’ai perdu mon père pendant mon projet de fin d’études”, raconte Bola Bardet qui se sent “impuissante” et en “situation d’échec » alors que tout fonctionne bien pour elle.

“J’avais été incapable de sauver mon père. Je me suis alors rendu compte que tout cet argent envoyé par la diaspora à ses proches en Afrique ne se traduit pas nécessairement par de meilleurs soins et une prise en charge adéquate. Western Union n’est pas la solution”, analyse-t-elle. C’est le point de départ de SUSU. Elle décide ainsi de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale…

 

 

Des soins de qualité pour tous

Santé et Afrique, deux points d’entrée intéressants pour les startups. L’accès aux soins pour tous, afin de “permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge”, fait partie des dix-sept objectifs de développement durable des Nations Unies. Mais moins de la moitié de la population africaine reçoit les soins dont elle a besoin et le taux de pénétration de l’assurance-santé n’est que de 3%”, indique la fondatrice de SUSU.

La démographie africaine -2 milliards de personnes à l’horizon 2050- l’urbanisation, la pénétration d’internet via la croissance explosive du mobile et l’émergence d’une classe moyenne offrent de réelles perspectives de croissance pour les acteurs de l’e-santé et de l’assurtech.

La tech au secours de l’Afrique

“Je suis partie du point de vue de la diaspora africaine et j’ai créé SUSU, une plateforme dont l’objectif prioritaire est d’assurer des soins de qualité. L’argent est nécessaire mais pas suffisant, il faut les structures et l’accompagnement médical. J’en ai un peu marre du discours caritatif et misérabiliste sur l’Afrique. Pour moi, ce continent peut rattraper son retard dans la santé grâce au secteur privé et à la tech. D’un côté, seulement 5% du budget public est consacré à la santé. De l’autre, l’Afrique est passée directement au paiement mobile. Elle est en avance sur les autres marchés”, s’enthousiasme Bola Bardet. Elle et son équipe proposent à la fois le financement, l’accès à des soins de qualité et l’accompagnement médical par des experts. SUSU est ainsi courtier en assurance-santé.

« Je suis partie du point de vue de la diaspora africaine et j’ai créé SUSU, une plateforme dont l’objectif prioritaire est de fournir des soins de qualité.(…) J’en ai un peu marre du discours caritatif et misérabiliste sur l’Afrique. Ce continent peut rattraper son retard dans la santé grâce au secteur privé et à la tech. » Bola Bardet, CEO-fondatrice de SUSU

Femme, noire et entrepreneure

Bola Bardet a toujours rêvé d’être entrepreneure. “Entreprendre ? C’est d’abord écouter son intuition, et puis faire preuve de résilience et de patience”, témoigne-t-elle. Il en faut car l’absence de données fiables relatives à la santé en Afrique complique la tâche.

Être femme, noire et entrepreneure, c’est un “package” ! Il y a des avantages et des défauts”, souligne celle qui pointe “un vrai machisme dans le monde professionnel qui rend plus difficile la levée de fonds. Ce que je vends, c’est la mission de la société. Cela intéresse à la fois les fonds à impact en France mais aussi ceux spécialisés sur l’Afrique. Et je suis tombé sur des investisseurs providentiels comme dans les films (rires).” 

En 2019, SUSU remporte le Sanofi Challenge au forum Vivatech. Fin 2020, des business angels apportent les premiers fonds. Début mars 2022, la société lève 2,2M d’euros en pré-série A : 1M d’euros auprès de business angels, 800 000 euros de financement par emprunt et 200 000 euros de subventions auprès de BPI France.

Un business de frontières

La dernière levée permettra d’ajouter de nouvelles fonctionnalités à la plateforme et de développer de nouveaux marchés en Afrique. Aujourd’hui, la startup “emploie 22 personnes, 10 en France, dans 4 pays dont le Sénégal, le Cameroun et la Côte d’Ivoire. La plateforme a été lancée dans ce pays en 2019. Et le business a décollé à partir du début de 2021”, explique Bola Bardet.

L’an dernier, les revenus ont été multiplié par 4 et le nombre de clients par 5. “C’est un business de frontières, de diaspora. L’Afrique repose sur l’économie informelle et sur la débrouille pour 80%. Et le rôle des femmes entrepreneures est central. Elles doivent faire tourner le commerce, assurer la survie du foyer.”

Déléguer, s’organiser

Pour cette résidente suisse du canton de Vaud, la multiplicité des géographies est parfois un casse-tête logistique et administratif. Idéalement, elle veut passer “un mois dans chaque pays. Je ne peux pas me dédoubler, donc cela m’oblige à déléguer et à bien m’organiser. A cause du COVID, je ne suis allée qu’une fois au Sénégal et je n’avais pas pu me rendre au Cameroun.”

Bien gérer son temps est crucial pour cette mère d’un petit garçon de 6 ans même si l’équilibre famille-travail est parfois “difficile à trouver. » Mais elle a une mission à mener et un “mari qui l’aide”.

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