Sommaire
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Une fonction hautement symbolique
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Vers un Chili inclusif et écologique
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Un nouvel avenir pour un pays en proie à de vives tensions sociales
Une fonction hautement symbolique
Au même moment que le Canada qui choisi une femme autochtone à la tête d’une des fonctions les plus importantes de l’Etat, le Chili aussi fait bouger les lignes en choisissant une femme mapuche pour présider son Assemblée constituante. Le 4 juillet 2021, Elisa Loncon Antileo a été élue par 96 des 155 membres de cette l’assemblée qui doit réviser la Constitution chilienne rédigée par l’ancien régime d’Augusto Pinochet. Cette linguiste reconnue et bardée de diplômes se retrouve au sommet de cette convention spéciale presque paritaire (78 hommes pour 77 femmes), chargée de mener les discussions et la réflexion en profondeur des institutions du pays et de la séparation des pouvoirs. Le projet final est la rédaction d’une nouvelle Constitution qui sera soumise au référendum populaire en 2022.
» Cette Convention que je préside transformera le Chili en un Chili plurinational (…) un Chili qui ne viole pas le droit des femmes (…) en un Chili qui prend soin de la Terre Mère. » Elisa Lonçon
Vers un Chili inclusif et écologique
Les citoyens sont de plus en plus sensibles aux questions de la protection de l’environnement et de la défense des droits des femmes. Le choix d’une femme mapuche est donc l’indicateur d’une prise de conscience des décideurs publics puisque les indigènes sont ancestralement attachés à ces deux thèmes. La nouvelle présidente prononce d’ailleurs son discours d’investiture en espagnol et en mapudungun, la langue de son ethnie, vêtue de l’habit traditionnel mapuche et en présence de la Machi. Dans les croyances mapuches, la Machi est la plus haute autorité des peuples du Sud à qui on confère des pouvoirs surnaturels de protection de la nature et des âmes. De plus, Elisa Loncon se porte garante d’une inclusion plus forte et du besoin de protéger la nature dans les débats constituants, tant qu’elle insiste dans son discours : “Cette Convention que je préside transformera le Chili en un Chili plurinational (…) un Chili qui ne viole pas le droit des femmes (…) en un Chili qui prend soin de la Terre Mère”.
Un nouvel avenir pour un pays en proie à de vives tensions sociales
A l’automne 2019, l’augmentation du prix des tickets de métro au Chili avait embrasé le pays. Les Chiliens marchaient dans les rues de Santiago pour exprimer leur colère et demander plus de justice sociale et d’égalité dans toutes les strates de la société. Le gouvernement avait réagi à la série de manifestations par une répression très brutale. Cela n’avait pas été suffisant pour tarir la fronde sociale chilienne qui a abouti à la promesse d’une nouvelle Constitution depuis, avec la création de cette nouvelle Assemblée. Le politologue Bastien François rappelle dans le numéro 79 de la Revue française de droit constitutionnel que “les moments constituants sont toujours des moments de grande tension”. Si la Constitution ultra-libérale qui était en vigueur depuis la dictature d’Augustin Pinochet est abandonnée, les épisodes de sévère répression de la population ne sont pas oubliés et il faut encore que les constituants arrivent à un consensus.
» Les moments constituants sont toujours des moments de grande tension.” Bastien François
La création d’une commission d’écriture d’une nouvelle Constitution avec une présidente en fonction, représentante des minorités, est déjà le signe qu’un grand changement est à l’oeuvre. Cette nouvelle fait d’ailleurs écho à la nomination de Mary Simon au Canada comme Gouverneure Générale et Chef des armées. Le peuple chilien peut s’attendre à une meilleure reconnaissance des minorités indigènes et à moins d’inégalités sociales. Reste à voir la forme finale du texte en juillet 2022 et son adoption ou non à l’issue du référendum populaire.