Sommaire
-
Adepte de la provoc’
-
Une artiste indépendante et « sauvage »
-
« Elle ne croyait pas en son propre talent »
-
Dans le New York des années 70
-
« Reine du Funk », dans l’ombre de Miles Davis
-
L’influence de Betty sur Miles
-
Échecs commerciaux et retraite prématurée
-
Silence et influence
Betty Davis, ex-femme de Miles Davis, surnommée “la Reine du Funk” nous a quitté définitivement, plus de quarante ans après avoir tiré sa révérence au monde du spectacle. Durant sa brève carrière dans les années 70, elle marque l’histoire de la musique. Elle n’aura pas connu le succès commercial mais son influence est immense sur des générations d’artistes, Prince, Rick James, Lenny Kravitz, Cardi B, Outkast…
Adepte de la provoc’
Reine de la provocation, ses chansons équivoques comme « If I’m in Luck I Just Might Get Picked Up » (« Ohh ohh oh oh si j’ai de la chance, peut-être que tu viendras me choper, dis-moi que tu, dis-moi que tu, dis-moi que tu, dis-moi que tu, chéri, me ramèneras à la maison, me ramèneras à la maison avec toi, me ramèneras à la maison »), « Nasty Gal », « He Was a Big Freak » ou « Don’t Call Her No Tramp », ne pouvaient être diffusées sur des médias grand public. « J’ai écrit sur l’amour, vraiment, et sur tous les niveaux de l’amour. La sexualité en fait partie », remarque-t-elle en 2018 dans une interview au New York Times.
Une artiste indépendante et “sauvage”
Malgré son immense talent, la « Reine du Funk » ne signera jamais dans une grande maison de disques. Elle est pourtant approchée par la Motown. Elle signe, grâce à Robert Palmer, son troisième album Nasty Gal en 1975 chez Island Records de Chris Blackwell, contrat qui ne sera pas renouvelé.
Intransigeante, elle fut l’une des premières artistes à exiger la propriété de ses droits d’auteur. Indépendante, elle réussit à se mettre à dos les ligues de vertu religieuses mais aussi la puissante National Association for the Advancement of Colored People, organisation qui luttait pour les droits civiques des Afro-américains.
« Elle ne croyait pas en son propre talent »
Imprévisible, elle refuse de travailler avec Eric Clapton avec qui elle a une brève relation. « Elle ne croyait pas en son propre talent », dira Miles Davis. Sulfureuse, elle est interdite de télévision aux Etats-Unis à cause de ses tenues sexies et de son style provocateur. « Musicalement, philosophiquement et physiquement, elle était extrême et attirante », dira d’elle Carlos Santana. Féministe ? « Je n’ai jamais pensé que les femmes avaient du pouvoir. Nous avions du pouvoir dans la chambre à coucher, mais pas de pouvoir politique », rétorque-t-elle.
« Je n’ai jamais pensé que les femmes avaient du pouvoir. Nous avions du pouvoir dans la chambre à coucher, mais pas de pouvoir politique ». Betty Davis
Dans le New York des années 70
Née Betty Mabry en 1944 en Caroline du Nord, elle grandit à Pittsburgh. À 16 ans, elle s’installe à New York pour suivre les cours du Fashion Institute of Technology. Elle est mannequin pour l’agence Wilhelmina, posant pour les magazines Ebony, Seventeen et Glamour. Mais elle trouve cela vain (« Je n’aimais pas le mannequinat parce que vous n’avez pas besoin de votre cerveau. Ça dure tant que vous êtes belle ») et se tourne vers la musique sous l’égide de Marc Bolan de T. Rex. Elle fréquente la scène artistique de la Big Apple, rencontre Jimi Hendrix, Sly Stone et Hugh Masekela, sort quelques singles et écrit pour d’autres. Elle est l’autrice de « Uptown to Harlem » des Chambers Brothers dont l’album de 1967 est un énorme succès.
« Reine du Funk », dans l’ombre de Miles Davis
Son goût de la mode ne la quittera jamais. La légende dit que c’est elle qui relooke Miles Davis qu’elle rencontre en 1966. Séparé de sa première femme, il sort alors avec l’actrice Cicely Tyson. Mais Betty Davis est « irrésistible » -c’est lui qui le dit avant de lui reprocher d’être « trop jeune et trop sauvage »- et leur histoire commence au début de 1968. Cette année-là, Betty est sur la couverture de l’album Filles de Kilimandjaro -« Mademoiselle Mabry (Miss Mabry) » qui clôt l’album est un hommage à sa nouvelle partenaire. Ils travaillent ensemble sur son premier album -finalement sans succès- et se marient, entre temps, en septembre 1968.
L’influence de Betty sur Miles
Le mariage ne dure qu’un an, Miles lui reprochant de le tromper avec Jimmy Hendrix . Mais l’influence de Betty sur Miles ira bien au-delà de son apparence vestimentaire. C’est elle qui l’oriente vers le funk, le rock et le jazz fusion et électrique qui marquent les albums à partir de sa rencontre avec Betty : les deux albums mythiques In a Silent Way (1969) et Bitches Brew (1970). Le titre de ce dernier serait ainsi une référence à Betty et ses amies…
Miles Davis ©ABACApresse.com
Échecs commerciaux et retraite prématurée
Elle s’installe à Londres, poursuit le mannequinat tout en continuant la musique, revient aux Etats-Unis et enregistre trois albums -qu’elle produit et écrit elle-même- Betty Davis (1973), They Say I’m Different (1974) et Nasty Gal (1975). Ce sont des échecs commerciaux. Deux chansons seulement, « If I’m in Luck I Might Get Picked Up » et « Shut Off the Lights », entrent dans les charts. Son quatrième album, Is It Love or Desire?, enregistré en 1976, ne sortira qu’en 2009. En 1979, elle travaille à Los Angeles avec Herbie Hancock entre autres sur un nouvel album qui n’aboutit pas. Elle retourne en Pennsylvanie pour s’occuper de son père malade et disparaît du monde du spectacle.
Silence et influence
Ses albums sont réédités -certains en version pirate. En 2016 sort ainsi The Columbia Years 1968-69, sessions exhumées avec des membres du groupe de Jimi Hendrix, Herbie Hancock, Wayne Shorter, etc. Un film-documentaire de Philip Cox (Betty Davis – La reine du funk / Betty: They Say I’m Different) sorti en 2017 lui rend aussi hommage. En 2019, son amie Danielle Maggio interprète “A Little Bit Hot Tonight », la première chanson de Betty Davis depuis 40 ans composée au début des années 80 alors qu’elle vit au Japon. Pendant un an, elle répète et joue dans des clubs avec un groupe local. Elle y a une révélation spirituelle au contact de moines zen qui ont fait vœu de silence. Depuis ce séjour, « je suis devenue très silencieuse », explique-t-elle. Betty Davis est décédée le 9 février 2022 à son domicile de Homestead (Pennsylvanie) de causes naturelles. Elle avait 77 ans.