Sommaire
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Valentine Silvin-Collon, de la cosmétique de luxe au recyclage textile
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Redonner, une entreprise qui booste la collecte de vêtements usés
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La communication digitale et le Green Friday
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Valentine, une entrepreneuse optimiste qui ne lâche rien
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- Valentine Silvin-Collon- Fondatrice de Redonner
« Redonner » est une entreprise française qui fait de la revalorisation des textiles sa grande bataille au quotidien et travaille main dans la main avec les enseignes de mode pour booster la collecte de vêtements usés.
On a interviewé Valentine Silvin-Collon, fondatrice et dirigeante de cette entreprise qui a fait du recyclage son ADN et sa raison d’être, une femme passionnée et pleine de convictions qui lance avec ses marques partenaires son message du Green Friday vs le Black Friday, aujourd’hui 25 novembre : « Everyday is Green Friday » pour s’inscrire dans un mouvement global de consommation vertueuse et soucieuse de la planète. Une femme qui s’inscrit dans une démarche d’entreprendre autrement.
Valentine Silvin-Collon, de la cosmétique de luxe au recyclage textile
Informelles: Quel est votre parcours?
Valentine Silvin-Collon: J’ai longtemps travaillé dans le développement EMEA pour des marques cosmétiques de luxe et de niche notamment pour le groupe Estée Lauder. J’y suis restée une douzaine d’années avant d’opérer un virage à 360° après le Covid. Comme beaucoup de monde, je me suis retrouvée chez moi, cela m’a permis de faire une vraie pause dans ma vie, de prendre un temps de réflexion. Les enfants ont pas mal changé ma vision des choses, mes priorités ont changé à ce moment-là.
Quelle est la genèse de Redonner?
V. S-C. : Ce moment de pause a été très opportun. D’ailleurs, la genèse de Redonner est venue d’un tri dans les placards effectué pendant le confinement. On s’est retrouvé devant une montagne de vêtements et on s’est dit: “qu’est-ce qu’on en fait? » Je n’ai pas beaucoup de patience pour Vinted, même si c’est une solution géniale pour l’économie circulaire. On s’est aussi demandé: “Il se passe quoi avec les vêtements en fin de vie? » Et on s’est aperçu qu’il y a 500 000 tonnes de vêtements jetés par an en France, c’est-à-dire que chaque français en jette en moyenne 15 kilos par an. Peu de gens ont ce réflexe de donner la chaussette qui ressort seule de la machine ou le collant troué, qui en fait ne devrait en aucun cas partir dans la poubelle car ils ont de la valeur. Au même moment la loi AGEC, (dite loi anti gaspillage) est venue mettre un cadre légal dans l’industrie textile et les marques sont devenues responsables de la fin de vie de leurs produits. Le recyclage de la filière textile a d’ailleurs davantage besoin de collecter et de s’industrialiser. car aujourd’hui on ne collecte que 34% de TLC (Textiles, Linge de maison, Chaussures), trop peu. Avec Redonner, c’est sur ce sujet que l’on essaye d’agir, au point d’entrée de cette collecte.
Redonner, une entreprise qui booste la collecte de vêtements usés
Quand avez-vous commencé?
V. S-C. : On s’est lancé en 2020. Au tout début, on s’est positionné sur la collecte en boutique via les marques et les enseignes de mode. L’idée de Redonner est de bâtir des partenariats avec des marques pour collecter via le canal de vente, puisque par ailleurs ses marques se doivent maintenant de baliser le parcours de la fin de vie de leurs produits. Pour la petite histoire, on avait commencé une collecte avec la marque Cuisse de grenouille qui avait des surfaces de vente assez petites et ils se sont retrouvés submergés par le succès des dépôts, avec des sacs stockés jusque dans leurs toilettes!! En effet on a développé une solution digitale qui s’implémente sur le site e-commerce des enseignes de mode pour favoriser le dépôt d’anciens vêtements. Chaque marque fixe ses propres règles du jeu. On aide leurs clients à géolocaliser les points de collecte (plus de 48 000 en France), ils chargent une photo des sacs de collecte et ils reçoivent des récompenses. en remises ou bons d’achat en fonction de la marque pour laquelle la collecte s’effectue. En deux ans, on a bâti plus de cent partenariats avec de jeunes marques qui ont inscrit cette démarche de recyclage dans leur ADN, comme Belledonne ou Anja Paris, et des plus anciennes qui prennent le train en route, comme Maison 1.2.3., Rodier, I.CODE ou Suncoo. Nous travaillons avec une multitude d’acteurs car notre objectif est d’avoir un impact le plus large possible pour instaurer le réflexe de recycler.
Qu’est ce qui se passe dans la filière une fois le tri effectué ?
V. S-C. : 58% des vêtements vont être revendu à des fripiers mais avec le boom des sites comme Vinted (la collecte est faite par des associations solidaires) cette part va diminuer considérablement car de plus en plus de gens revendent sur ces plateformes de seconde main. 34% de la collecte part dans la fonction recyclage : avec le gros coton ou le jean par exemple, on fait du métisse, de l’isolant, ou des chiffons. Les 8% restants devient du CSR (Combustible Solide de Récupération) On a donc un taux de réemploi de 98,8%, ce qui est vraiment très positif.
« La genèse de « Redonner » est venue d’un tri dans les placards effectué pendant le confinement. On s’est retrouvé devant une montagne de vêtements et on s’est dit: “Qu’est-ce qu’on en fait? » On s’est aussi demandé: “Il se passe quoi avec les vêtements en fin de vie? » Et on s’est aperçu qu’il y a 500 000 tonnes de vêtements jetés par an en France… » Valentine Silvin- Collon
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La communication digitale et le Green Friday
Quel est votre business-model?
V. S-C. : Les marques nous financent pour implémenter notre solution de collecte sur leur site et nous leur donnons aussi tout l’accompagnement stratégique en communication digitale pour rendre visible cette solution et répondre aux questions: Comment animer ce sujet? Comment informer les gens et les sensibiliser à de nouvelles habitudes de consommation ? Le travail de production de contenus couplé au développement de campagnes 360° clé en main dans les lieux physiques et en ligne fait que cela marche. On conçoit aussi des offres en adéquation avec la maturité des marques ou des startups.
Quelle est l’opération phare de Redonner?
V. S-C. : Le Green Friday est un de ces temps forts pour nous et cette année on a monté une campagne avec nos partenaires dont le message est : “Every day is a Green Friday”. Avec l’idée que cela ne suffit pas d’être vertueux un seul jour dans l’année et d’essayer de ne plus être dans la surconsommation permanente du Black Friday . C’est fondamental pour nous de passer ce message. Essayons de consommer différent, d’avoir ce cheminement et de se poser les questions: Qu’est ce que j’ai dans mon placard? Qu’est-ce que je dois vraiment remplacer? C’est donc le moment pour nous et nos marques de rappeler que l’engagement pour la planète, c’est toute l’année, c’est un effort à garder en tête.
Combien êtes-vous dans l’entreprise actuellement (novembre 2022) ?
V. S-C. : Aujourd’hui on est six. On a testé le modèle, on a de nombreux clients, une vraie demande et une solution qui marche. On a un vrai besoin d’accélérer maintenant et on est entré dans une démarche de levée de fonds pour grandir en France, développer notre outil et nous déployer à l’international, d’abord les pays européens où nos clients ont leurs magasins. On est déjà présent en Belgique, ce qui a très bien marché.
Valentine, une entrepreneuse optimiste qui ne lâche rien
Qu’est-ce qui vous fait avancer (en 3 mots)?
V. S-C. : Ma famille (j’ai deux garçons de 5 et 7 ans), un pilier fondamental dans ma vie. Mon équipe qui fait en sorte que ça avance. Toutes les rencontres que je fais, dans ma vie personnelle et professionnelle, qui sont un vrai moteur, et le mot “Non” qui me met systématiquement au défi, car un non peut toujours se transformer en oui. Je suis toujours optimiste.
Un rôle modèle?
V. S-C. : Pas un en particulier, j’essaye de m’inspirer des différentes rencontres que je fais et j’arrive à frayer mon chemin. C’est prenant un peu chez chacun.e que ça va me faire une ligne directrice. Ma façon d’être et j’en reviens au « Non », c’est que la persévérance est extrêmement importante pour moi. Certainement ma mère a eu pas mal d’influence là dessus. Elle m’a toujours montré que les épreuves de la vie nous font avancer, c’est ce qui nous rend plus fort et qui fait qu’on se repose moins sur ses Lauriers. C’est ce qui me fait avancer dans l’aventure entrepreneuriale c’est une série de portes, de “Non” qui nous fait avancer, même quand c’est dur parce qu’il faut se l’avouer ça arrive souvent. Il ne faut jamais rien lâcher.
C’est quoi être une femme entrepreneuse en 2022?
V. S-C.: C’est les montagnes russes, émotionnellement, ça n’a rien à voir avec mon métier d’avant mais c’est aussi une chance. C’est vraiment une chance d’être femme entrepreneuse aujourd’hui. Quand on voit le chemin qu’on a parcouru depuis 1945 quand on a eu le droit de vote, avec ce qu’il se passe aujourd’hui, quand je vois l’entraide qu’il existe, le nombre ces réseaux dédiés qu’il y a comme Action’elles, Financi’elles, Les Premières, Sista et ces fonds dédiés aux femmes entrepreneures comme Femmes Business Angels, Leïa Capital ou le Sista Fund. Je me dis quelle chance d’être entrepreneure aujourd’hui. Je commence doucement de rentrer dans la matrice de la levée de fond. En tout les cas je trouve que c’est une chance et je ne pourrais pas revenir en arrière.