Sommaire
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Eutelsat-OneWeb à la conquête de l’espace
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La domination américaine
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Un nouveau chapitre pour OneWeb
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Le désaveu des marchés
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Développer le « new space »
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Baptême du feu pour Eva Berneke
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Un virage radical
La fusion Eutelsat-OneWeb à la conquête de l’espace
La discrète directrice générale du champion spatial français Eutelsat, Eva Berneke (53 ans), est sous les projecteurs. Cette Danoise francophone -qui a pris les rênes en janvier 2022- vient d’annoncer son projet d’acquisition pour 3,4 milliards d’euros du britannique OneWeb, opérateur de satellites en orbite basse.
Sa mission ? Transformer Eutelsat en un champion européen (franco-anglais pour être plus précis) de la connectivité satellitaire et de l’Internet spatial pour défier Elon Musk et son Starlink dans leur conquête de l’espace. L’ensemble pèsera 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires et 700 millions d’EBITDA en 2022-23 et vise les 2 milliards en 2027.
Lancement de 34 satellites OneWeb en 2021 / Photo by Roscosmos Press Office/TASS/ABACAPRESS.COM | 777489_004 Kazakhstan
La domination américaine
Les Américains ont pris de l’avance dans cette conquête de l’espace et le projet Kuiper d’Amazon est en phase de lancement avec la mise en orbite de milliers de satellites en orbite basse prévue à partir de cette année. A ce jour, Eutelsat, créé en 1977, opère 36 satellites GEO (geostationary orbit ou orbite géostationnaire). OneWeb a 428 satellites LEO (Low-Earth orbit ou orbite terrestre basse) pour la fourniture de services Internet à des entreprises comme AT&T. Starlink compte désormais plus de 2 500 satellites. La société d’Elon Musk commercialise déjà ses services de connexion à Internet directement auprès des consommateurs.
Un nouveau chapitre pour OneWeb
OneWeb a dix ans d’existence et n’a lancé sa première tranche de satellites qu’en 2019. En 2020, la société dépose le bilan après avoir levé 3 milliards de dollars auprès d’investisseurs comme SoftBank, Qualcomm et Virgin. OneWeb est relancée avec le soutien du gouvernement britannique et de la société indienne Bharti Global, Eutelsat prenant alors une participation de 24 %.
Le désaveu des marchés
Les marchés n’ont guère apprécié cette alliance stratégique entre le “old space” des GEO et le “new space” de LEO. En deux jours, l’action d’Eutelsat a plongé de 30% passant de plus de 10,4 à 7,4 euros, effaçant plus de 110 millions d’euros de capitalisation. Commentaire sarcastique du Financial Times du 25 juillet : “un autre triomphe de la diplomatie anglo-française !”
Les acteurs américains des satellites en orbite basse comme Starlink (Elon Musk) et Kuiper (Jeff Bezos) ne sont pas présents en bourse. Par contre Eutelsat est coté et détenu par des fonds qui n’aiment que modérément les investissements consommateurs de cash.
Développer le « new space »
Car il faudra beaucoup de cash pour développer la deuxième génération de satellites OneWeb. Eutelsat investira entre 725 et 875 millions d’euros par an de 2024 à 2029 et suspendra donc le versement de dividendes pendant deux ans au minimum. Les investisseurs ont moyennement apprécié car jusqu’à présent Eutelsat était une machine à produire du cash et à verser des dividendes.
“Beaucoup d’actionnaires sont focalisés sur le rendement et le dividende mais maintenant nous créons une entreprise orientée vers la croissance, qui aura besoin d’investissements futurs dans la technologie. C’est un grand changement”, reconnait Eva Berneke.
Baptême du feu pour Eva Berneke
C’est un baptême du feu pour celle qui vient troubler la course engagée entre les deux hommes les plus riches de la planète. Mais la patronne d’Eutelsat est une spécialiste des technologies et des télécoms. Diplômée en génie mécanique de l’université technique du Danemark, Eva Berneke est titulaire d’un MBA de l’Insead.
Elle a commencé sa carrière chez McKinsey en 1993 où elle est restée dix ans. Avant de rejoindre Eutelsat, elle avait passé sept ans chez TDC, plus gros telco danois, et dirigeait depuis 2014, KMD, société danoise d’informatique et de logiciels, filiale du groupe nippon NEC. Eva Berneke est femme et étrangère, deux qualités assez rares à la tête des groupes industriels français.
Un virage radical
La décision d’Eva Berneke n’est pas sans risques mais ne pas bouger aurait été encore plus risqué. Dans une interview aux Echos, la directrice générale constate que « nous subissons un changement de marché, avec l’évolution des manières de regarder la télévision et l’essor de la vidéo à la demande, ce qui nous oblige à un virage radical pour aller vers les télécommunications ».
Si l’opération est validée lors de la prochaine AG en novembre, Eve Berneke restera à la direction générale et Dominique d’Hinnin conservera la présidence du conseil, lequel comptera une majorité de représentants d’Eutelsat. Un nouveau chapitre de la conquête de l’espace est en train de s’écrire…