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La jeunesse et le féminisme mis à l’honneur…
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…Dans un monde encore très masculin
Jeunesse et féminisme mis à l’honneur
Du haut de ses 37 ans, Julia Ducournau était la plus jeune de la liste des nominés et l’une des quatre femmes en lice (16,7 % des nominés cette année sont des femmes) pour la Palme d’or du 74ème Festival de Cannes. « Titane », son film affichant une violence sans tabou, qui se veut très contemporain et empreint de féminisme, obtient la récompense ultime lors d’une cérémonie marquée par les gaffes de son président qui annonce un peu tôt son palmarès. La première (et dernière) Palme d’or féminine datait de 1993 avec “La Leçon de Piano” de Jane Campion qui avait dû la partager ex-aequo avec Chen Kaige et son « Adieu ma concubine« .
« Merci au jury d’appeler à plus de diversité dans nos expériences aux cinéma et dans nos vies et merci au jury de laisser rentrer les monstres ». Julia Ducournau, réalisatrice primée à Cannes
Sensible à la question du genre, la réalisatrice émues aux larmes, lance en recevant son prix : « Merci au jury d’appeler à plus de diversité dans nos expériences aux cinéma et dans nos vies et merci au jury de laisser rentrer les monstres ». Dans le reportage “Une palme d’or monstrueuse” signé par France 24 à l’issue de la cérémonie, elle ajoute: “Je crois qu’il y a tellement de combats à continuer, que ça soit la question du genre ou de sa non-pertinence pour moi en tant que définition d’une identité”.
Un festival tournée vers les réalisatrices…
Julia Ducournau n’est pas la seule lauréate de cette année puisqu’on compte trois autres artistes primées à la réalisation. L’hongkongaise Tang Yi, récompensée pour « Tous les corbeaux du monde », reçoit la palme d’or du court-métrage avec humilité. Ce petit film de 14 minutes raconte le passage à l’âge adulte d’une lycéenne. Dans la même catégorie, la réalisatrice brésilienne Jasmin Tenucci reçoit la mention spéciale du jury pour son film sur la vie d’une infirmière enceinte à Sao Paulo. Enfin, la Caméra d’or revient à la réalisatrice croate Antoneta Alamat Kusijanovic pour son oeuvre « Murina » qui met en scène une adolescente isolée sur une île avec son père. Alors qu’elle est venue quelques jours auparavant présenter son film, elle est retenue par un événement qui l’empêche de se présenter à la cérémonie : elle vient d’accoucher la veille !
…Peu nombreuses dans un monde encore très masculin
En plus de récompenser le dur travail de réalisation, le choix de mettre en avant Julia Ducournau revêt aussi une importance symbolique : une femme au sommet, dans un métier composé majoritairement d’hommes. Si l’évolution est en cours, notamment depuis 2010, il faut rappeler que seuls 22,9 % des longs métrages agréés par le CNC sont l’œuvre de réalisatrices en 2019 d’après un rapport de mars 2021 du CNC. De même, le budget alloué aux projets de réalisation d’initiative féminine souffre d’un écart de 40 % en faveur des hommes en 2019.
D’ailleurs Kate Winslet s’indigne de cette disparité au cours d’une interview donnée au Parisien le 18 juillet 2021: “Ce que j’espère, c’est que bientôt on ne dira pas « C’est incroyable : je vais tourner avec une réalisatrice », mais « Au fait, le réalisateur est une femme ». Je pense qu’on va y arriver.”
Cette récompense cannoise est un signal fort pour la profession et pour toutes les femmes qui travaillent dans la réalisation. Déjà l’activisme du collectif 50/50 avait frayé le chemin d’une parité de plus en plus intégrée. La lauréate cannoise de 2021, Julia Ducournau, sait bien que le cinéma comporte une dimension d’éducation et d’influence quand elle rappelle qu’“il est important d’amener la question du genre dans le cinéma généraliste pour commencer à éduquer les gens”.