Sommaire
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« Dieu, Patrie, famille » : le cri de ralliement de Giorgia Meloni
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Giorgia Meloni, une Marine Le Pen à l’italienne ?
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« Moi, Giorgia Meloni »: du mème à l’outsider la « plus jeune »
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Des postes clés, la « plus jeune »
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Souverainiste, anti-européenne, anti-avortement, anti-immigration…
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De « plus jeune » à « première » femme « Présidente du conseil » italienne?
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- Giorgia Meloni le 26 septembre 2022. Photo by Piero Tenagli / IPA/ABACAPRESS.COM
La formation « Fratelli d’Italia » (Frères d’Italie) co-fondée et guidée par Giorgia Meloni a remporté les élections législatives italiennes, dont le scrutin sans équivoque a été annoncé après 23 heures dimanche 25 septembre, et est devenu de fait le premier parti politique italien. Allié de la Ligue du Nord de Matteo Salvini et de Forza Italia avec l’ancien Président du Conseil (semblable au Premier ministre) Silvio Berlusconi, le parti de Meloni forme une coalition autoproclamée de « centre-droite » qui détient plus de 50% des sièges à l’Assemblée et 115 sièges de sénateurs. Mais qui est réellement Giorgia Meloni dont l’engagement politique a été marqué par sa jeunesse néo-fasciste? La coalition est-elle vraiment de centre-droite comme elle l’affirme? Quelle est sa vision et son programme? Sera-t-elle la prochaine et première femme Présidente du conseil italienne?
« Dieu, Patrie, famille » : le cri de ralliement de Giorgia Meloni
Directement emprunté au slogan fasciste né sous Mussolini, « Dieu, Patrie, Famille » a été celui de toute la campagne 2022 de Giorgia Meloni. « Dieu » car elle revendique sa foi et son appartenance à l’église catholique romaine, qui s’inscrit dans un discours plus amplement anti-musulman. « Patrie » car l’accent mis sur le pays est certain, mais elle pousse l’antienne de la patrie pour rappeler l’appartenance du peuple italien de souche à son pays, en opposition aux nombreuses vagues d’immigration que connaît le pays depuis plusieurs décennies. « Famille » car elle revendique « la famille composée d’un père et d’une mère » et non pas de « parent 1 et parent 2 » comme cela existe aujourd’hui sur les documents administratifs récemment modifiés pour intégrer des droits des couples du même genre, en érigeant la famille traditionnelle (qui souvent est d’un enfant unique vu le taux de natalité à 1,27 en 2019) en modèle. Farouche anti LGBT et défenseure des genres féminins et masculins, elle a déclaré la guerre à ceux qui s’opposent à sa vision conservatrice de la société.
Giorgia Meloni, une Marine Le Pen à l’italienne ?
Si son programme, son appartenance au parti d’extrême droite italienne, « Fratelli d’Italia » qu’elle a fondé en 2014, son anti-européisme et son combat contre l’immigration l’apparentent à Marine Le Pen sous de nombreux aspects, elle n’en a ni l’extraction de grande bourgeoise, ni la continuité d’une lignée politique comme c’est le cas chez les Le Pen. Expert-comptable, son père est communiste, sa mère de droite. En 1980, Giorgia met feu à l’appartement familial situé au nord de Rome, en jouant avec sa sœur, et toute la famille se retrouve dans le quartier populaire de la Garbatella, alors qu’elle vient d’être abandonnée par le père, Francesco Meloni, parti vivre une autre vie.
« Moi, Giorgia Meloni »: du mème à l’outsider
Le feu est aussi tout un symbole: la flamme tricolore de son parti, similaire à celle de l’ancien MSI (Mouvement social italien, parti néo-fasciste), conservé malgré les polémiques et repris par Marine Le Pen pour celui du Rassemblement National en France. « Romana de Roma », Giorgia revendique ses origines et parle avec un accent romain prononcé qu’elle ne cherche à gommer en aucun cas pour prouver sa proximité populaire, lit de son électorat en Italie. En 2019 elle scande un discours qui devient ensuite un mème imaginé par le collectif Mem&J avec un refrain qui l’a porté aux nues malgré l’intention de ses auteurs: « Io sono Giorgia, sono donna, sono madre, sono cristiana » (Je suis Giorgia, je suis une femme, je suis une mère, je suis chrétienne). Une phrase qui la met définitivement sur orbite.
« « Io sono Giorgia, sono donna, sono madre, sono cristiana » (Je suis Giorgia, je suis une femme, je suis une mère, je suis chrétienne). » Giorgia Meloni, présidente du parti Fratelli d’Italia
Des postes clés, la « plus jeune »
Toujours précoce, Giorgia Meloni commence sa carrière politique dès 15 ans, après l’assassinat des juges anti-mafia, Giovanni Falcone et Polo Borsellino, dont elle se dit « révoltée » comme elle l’explique dans son livre « Io sono Giorgia, le mie radici le mie idee » (Je suis Giorgia, mes racines, mes idées en français) qui reprend la fameuse phrase. A l’instar de Marine Le Pen en France, elle siège au Parlement italien depuis 2006, d’abord sous le drapeau d’Alleanza Nazionale puis de celui du Partito delle libertà ( Parti de la Liberté, un regroupement avec Berlusconi). Un Parlement dont elle devient la plus jeune vice-présidente en 2008. Puis, choisie pour intégrer le gouvernement Berlusconi de 2008 lors de la nouvelle législature, elle obtient le maroquin de la Jeunesse et la primauté de la plus jeune ministre italienne. Enfin, elle cumule son mandat de députée (elle est réélue en mars 2018 sous le drapeau de son propre parti) avec la Présidence du Parti des conservateurs européens depuis bientôt deux ans. A l’inverse de Marine Le Pen qui a été co-présidente du groupe parlementaire européen Europe des nations et des libertés.
Souverainiste, anti-européenne, anti-avortement, anti-immigration…
Si elle est souverainiste comme Marine Le Pen, elle revendique en revanche fortement sa participation à la vision Atlantiste de la politique internationale, en s’opposant à elle comme à ses alliés des dernières élections, plutôt pro-Poutine. Elle a aussi des positions anti-avortement très tranchées, issues de son histoire personnelle: sa mère voulait avorter d’elle, explique-t-elle dans son livre, et le matin de son opération elle renonce en lui permettant de vivre. Pendant les élections, elle a souvent été prudente dans ses déclarations anti-européennes, jusqu’à ce qu’elle extériorise son « Europa, è finita la pacchia » (en français: Europe, la gabegie est terminée) où elle clame son anti-européisme marqué. Une Europe avec laquelle elle devra pourtant composer lorsqu’elle sera au gouvernement. Enfin, elle brandit sa foi chrétienne contre « l’islamisation de la société » et bien décidée à combattre l’immigration, quelle qu’elle soit.
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De « plus jeune » à « première » femme Présidente du conseil italienne
Berlusconi a flairé le potentiel de Giorgia Meloni lorsqu’il la choisit comme ministre de la Jeunesse en 2008. Tout comme il a vite saisi l’avantage et la modernité que représentait sa candidature pour représenter l’alliance de droite dans ces élections de 2022 et s’est mis en retrait. Matteo Salvini quant à lui, leader de la Ligue du Nord controversé et avec quelques procès en cours, ne pouvait prétendre au rôle titre. D’ailleurs son parti, avec 9% de sièges, est le grand perdant de ce scrutin. Femme de tête, GIorgia Meloni sait haranguer les foules et convaincre. Mais elle va maintenant devoir se couler dans le costume de Présidente du conseil. Va-t-elle réussir à constituer un gouvernement solide qui tienne plus d’un an? Plusieurs commentateurs italiens soutiennent qu’elle devra élargir des ministères à des technocrates car en manque de personnel parmi Fratelli d’Italia. Ses défis à venir? Maintenir des liens durables avec l’Europe et ses institutions qui doivent lui octroyer la suite du PNRR (Plan National de Reprise et Résilience) pour assurer la relance avec six objectifs: digitalisation, infrastructures, éducation et recherche, santé, cohésion et inclusion et, enfin, écologie. Ces deux dernières sont les grandes absentes remarquées de son programme politique et de ses discours.