Sommaire
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Naomi Kurahara, de l’ingénierie électrique à l’industrie aérospatiale
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Travailleur.se indépendant.e: la nouvelle tendance au Japon
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L’équilibre vie pro vie perso, une « obligation » pour les femmes
- Naomi Kurahara, CEO de InfoStellar
Lorsqu’elle co-fonde la start-up Infostellar en 2016 et en devient la directrice, Naomi Kurahara se lance un pari double : celui de s’imposer dans un secteur d’activité, l’aérospatiale, dominé par les hommes dans un pays qui compte seulement 8% de femmes chefs d’entreprises. Infostellar, qui emploie désormais seize personnes, assure la communication et la transmission de données entre les satellites, les opérateurs et les stations au sol : une activité de niche, particulièrement prometteuse à l’ère de l’avènement du tourisme spatial. Interview de cette pionnière.
Naomi Kurahara, de l’ingénierie électrique à l’industrie aérospatiale
Informelles : D’où vient votre intérêt pour l’industrie spatiale?
Naomi Kurahara : J’ai toujours été fascinée par l’espace. J’avais 8 ou 9 ans, je rêvais déjà d’y aller et je voulais travailler dans ce secteur, je lisais tous les livres que je trouvais. C’est pour cela que j’ai fait des études et poursuivi une carrière dans ce domaine. Après mes études (NDLR : Naomi Kurahara est diplômée de l’Institut de technologie de Kyushu en ingénierie électrique, puis a effectué une recherche post-doctorale à l’Université de Tokyo dans le cadre du projet Hodoyoshi), lorsque je travaillais en tant qu’ingénieure-système chez Integral Systems Japan, je me suis rendue compte que le service que propose Infostellar aujourd’hui n’existait pas. J’étais convaincue du potentiel et du besoin d’un intermédiaire entre les opérateurs et stations au sol et les satellites. Comme nous sommes peu nombreux dans ce secteur, le marché est restreint et la compétition faible.
L’équilibre vie pro-vie perso, une « obligation » pour les femmes
Vous êtes aujourd’hui chef d’entreprise dans un secteur qui compte peu de femmes. Avez-vous rencontré des obstacles particuliers du fait de votre genre?
N.B.: J’ai rencontré de nombreux obstacles : qu’il s’agisse du financement, de l’organisation. Mais je dirais qu’ils étaient davantage d’ordre général que liés à mon genre. J’ai cependant remarqué une chose : la problématique de l’équilibre avec la vie de famille reste une charge supplémentaire pour les femmes japonaises. Je suis mère. Allier l’éducation de mon enfant et ma carrière reste un défi quotidien. Vers 17h-18h, j’arrête ma journée de travail pour m’occuper de mon enfant. Le soir, les hommes, pères ou pas, se retrouvent au restaurant et prennent des décisions dans ces moments de convivialité durant lesquels les femmes ne sont pas présentes. Elles sont désavantagées et il me semble que le partage des tâches, dans la vie privée, devrait être plus systématique qu’il ne l’est.
Au Japon, seules 8% des femmes sont chefs d’entreprise. Selon vous, à quoi est dû ce faible pourcentage?
N.B.: Je fais partie de la communauté des entrepreneurs et j’observe, en effet, que nous sommes peu de femmes. Pourtant elles sont nombreuses à avoir envie de se lancer. Autrefois, il y a 50 ans, on disait qu’une femme avançait derrière l’homme, cette culture est dépassée mais l’influence de ce principe était très fort à l’époque. Au-delà de l’entrepreneuriat, les femmes restent peu nombreuses aux postes de managers au Japon. Pour les encourager, je pense qu’il faudrait donner l’opportunité aux jeunes femmes de gérer des petites équipes de 4-5 personnes, en début de carrière, pour leur offrir une expérience, leur donner le goût d’entreprendre et voir ce que cela peut donner par la suite.
« La problématique de l’équilibre avec la vie de famille reste une charge supplémentaire pour les femmes… Vers 17 h-18 h, j’arrête ma journée de travail pour m’occuper de mon enfant. Le soir, les hommes, pères ou pas, se retrouvent au restaurant et prennent des décisions dans ces moments de convivialité durant lesquels les femmes ne sont pas présentes. Elles sont désavantagées… » Naomi Kurahara, fondatrice de InfoStellar
Travailleur.se indépendant.e: la nouvelle tendance au Japon
Depuis la pandémie de Covid-19, le nombre de travailleurs indépendants est en augmentation au Japon. Qu’en pensez-vous?
N.B.: Depuis le Covid-19, les salariés ont appris à télétravailler. Dans mon entourage, y compris à Infostellar, nous sommes en télétravail. Cela permet de gagner du temps de transport, de s’organiser différemment. Du côté des entreprises, on s’est rendu compte que la production était meilleure. Beaucoup de personnes ont utilisé ce temps pour lire, s’informer, découvrir de nouveaux styles de vie moins tournés autour de la vie professionnelle. Certains ont amorcé des reconversions aussi. Aujourd’hui, on a envie de plus de flexibilité. Comparé à l’Europe ou aux Etats-Unis, il y a peu de start-ups au Japon. Mais depuis peu, on ose se lancer. Cela augmente lentement mais sûrement : il y a un nouvel engouement.
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Sciences et Tech : domaines réservés aux hommes
Aujourd’hui encore, les métiers liés aux sciences et à la technologie restent boudés par les femmes. Que faudrait-il faire, selon vous, pour inverser la tendance?
N.B.: Au Japon, dès le collège, les sciences et la littérature sont séparées : à mon époque, les garçons représentaient 80% des effectifs dans les filières scientifiques. Une tendance qui se poursuit naturellement à l’Université. A l’entrée dans la vie active, les femmes se retrouvent souvent contraintes à abandonner leurs carrières après le mariage et la naissance du premier enfant, ce qui réduit encore la proportion. Il faut encourager, faciliter la circulation de l’information. Ouvrir les portes. Les technologies de l’information sont un domaine si porteur.
Plus d’infos sur : https://infostellar.net/