Interview Informelle avec Elisabeth Moreno: la parité accessible?

Quelques jours avant le passage de la loi Rixain-Castaner au Sénat, Informelles.media rencontre Elisabeth Moreno, ministre de l’égalité entre les femmes  et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Sans langue de bois, elle balaie tous les sujets en cours dans son ministère, de la parité à la diversité, aux violences conjugales.

Sommaire

  • La parité et les jeunes générations
  • La loi Rixain-Castaner, en cours de discussion au Sénat
  • La tech et les femmes
  • Le financement aux startups portées par des entrepreneures
  • Diversité, mixité et inclusion dans les entreprises
  • Où en est-on des violences faites aux femmes?
  • De l’existence d’un Ministère pour la parité

Informelles.media rencontre Elisabeth Moreno, ministre de l’égalité entre les femmes  et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Sans tabous, elle répond tous les sujets en cours dans son ministère, de la parité à la diversité, aux violences conjugales.

La parité et les jeunes générations

Vous avez dit que “la parité n’est pas la charité”, alors pourquoi la parité n’est-elle toujours pas une réalité en 2021?

E.M.: “Je suis effectivement convaincue que la parité n’est pas la charité, d’autant qu’il y a pléthore d’études qui ont été faites par les cabinets internationaux qui disent que la parité et la mixité dans l’entreprise  est une véritable source de richesse, de performance, rentabilité, productivité. Maintenant il y a les données et la culture dans laquelle nous vivons depuis très longtemps maintenant. Une culture qui ne donne pas pleinement la place aux femmes qu’elles méritent. J’ai passé 30 ans de ma vie dans l’entreprise où j’ai rencontré plein de femmes capables mais qui manquaient de confiance en elles, parfois d’estime d’elles-même et qui ne réalisaient pas le potentiel qu’elles pouvaient avoir. C’est dû à la culture patriarcale qui a encore de longues années devant elle, si on ne se saisit pas très sérieusement de ce sujet et si on n’apprend pas aux jeunes filles, dès le plus jeune âge, qu’elles sont capables de tout faire.

Qu’est-ce que la jeune génération a de différent avec celle qui l’a précédée?

E.M.: “Cette jeune génération est extraordinairement exigeante, elle a envie que ces choses-là changent, aussi bien chez les hommes que chez les femmes. On peut saluer ce changement de culture et très probablement dans les dix années qui viennent, le paysage aura complètement changé. A la fois grâce aux féministes, mais pas seulement. Les jeunes hommes aussi ont envie d’avoir un équilibre différent dans leur vie, avec une bonne balance entre vie professionnelle et vie personnelle.”

La loi Rixain-Castaner, en cours de discussion au Sénat

Quels quotas pour les entreprises avec la loi Rixain-Castaner en cours de discussion au Sénat?

E.M.: “On a fêté, l’année dernière, les dix ans de la loi Copé-Zimmermann. Pendant des années, on nous a dit que c’était impossible de mettre des quotas de femmes dans les boards. En dix ans on est passé de 9% à 45%dans les conseils d’administration. 45%!  Et tout le monde s’accorde à dire que cela a été bénéfique en terme d’efficacité. Pourquoi dans les comités de direction et dans les comités exécutifs, là où les décisions des entreprises se prennent au quotidien, alors même qu’il y a beaucoup de femmes qui travaillent dans les entreprises, elles n’arrivent pas à percer ce fameux plafond de verre ? Cette loi portée par Marie-Pierre Rixain et Christophe Castaner, ne comporte pas que des objectifs chiffrés. Nous demandons aux entreprises de faire des efforts pour que d’ici huit ans il y ait 40% de femmes dans les comex et les codir. C’est l’objectif qui nous paraissait le plus réaliste, le plus atteignable et qui faisait le plus de consensus. Et en terme de consensus, 40% même dans huit ans semble tout à fait impossible pour certaines personnes. Donc cela montre le manque de volonté de certains acteurs sur cette question-là.”

« En dix ans (de loi Copé-Zimmermann) on est passé de 9% à 45% de femmes dans les conseils d’administration. 45%!  Et tout le monde s’accorde à dire que cela a été bénéfique en terme d’efficacité »  Elisabeth Moreno, Ministre de l’égalité entre les femmes  et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances 

La tech et les femmes

E.M.: “La jeune génération ne sera pas aussi patiente que ma génération l’a été. Mais je voulais surtout vous parler de l’entrepreneuriat des femmes. Aujourd’hui, il se trouve que je vais prendre le secteur qui a le vent en poupe de la tech. Que nous n’aurions pas fait sans la tech pendant la crise sanitaire pour communiquer, pour échanger, pour partager, pour travailler? Aujourd’hui dans le secteur de la tech il y a à peine 30% de femmes, dont 12% seulement de start-ups créées par des femmes. Alors même que les entreprises créées par des femmes ont prouvé qu’elles sont aussi rentables, productives et performantes que celles créées par des hommes. On se rend compte que les femmes peinent à trouver des financements.”

« La jeune génération ne sera pas aussi patiente que ma génération l’a été. Elle est extraordinairement exigeante. »  Elisabeth Moreno, Ministre de l’égalité entre les femmes  et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances 

Le financement aux startups portées par des entrepreneures

Quel soutien pour les entreprises créées par des femmes?

E.M.: “Cette loi couvre aussi ce sujet du financement des entreprises portées par des femmes. Pourquoi? Parce que souvent on se rend compte que les jurys des fonds d’investissements ne sont composés que par des hommes. Comme on est très biaisés par nos préjugés, par des stéréotypes avec lesquels on grandit, on est complètement bloqué là-dessus.

Je suis heureuse que Marie-Pierre Rixain ait adressé cette question dans sa proposition de loi car cela vient compléter le travail que nous faisons avec la BPI depuis plusieurs années maintenant, qui est d’avoir davantage de financements qui vont vers les entreprises créées par des femmes. Je crois que dans ce monde post-Covid où nous avons besoin de relancer l’économie de notre pays, faire l’économie de 50% de nos talents, ça n’est juste pas possible. Si on ne considère pas que c’est une justice sociale que de donner à tout le monde la possibilité de réussir de la même manière et bien, soyons pragmatiques, et parlons de performance et de résultats. Alors là, peut-être qu’on ouvrira les vannes et qu’on permettra aux femmes de briser ce plafond de verre qui non seulement les empêche de réussir, mais coupe l’entreprise de beaucoup d’innovation, de créativité et de savoir-faire.”

« Dans ce monde post-Covid où nous avons besoin de relancer l’économie de notre pays, faire l’économie de 50% de nos talents, ça n’est juste pas possible. »  Elisabeth Moreno, Ministre de l’égalité entre les femmes  et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances 

L’index de diversité, mixité et inclusion dans les entreprises

Alors que les statistiques ethniques sont interdites en France, comment peut-on valoriser la diversité et l’inclusion dans les entreprises?

E.M.: “On a décidé de créer un index diversité qui va permettre aux entreprises de prendre une photographie du niveau de diversité de leur recrutement. Cet outil est d’autant plus important que ce sujet est en train de prendre une place très importante dans les débats sociaux. Il n’y pas une entreprise que je rencontre qui ne me dit pas combien elle a du mal à recruter, combien elle a envie de recruter différemment et de s’ouvrir à ce recrutement de diversité mais elle ne sait pas comment faire.”

Vous avez lancé une grande consultation sur les discriminations. Quels sont ses résultats? Qu’allez-vous en faire?

E.M.: “Nous avons lancé une consultation nationale au mois de mai dernier, sur laquelle nous avons eu 135 000 participations, presque 6 000 propositions nous ont été remontées. Le sujet de la discrimination dans le monde professionnel, à l’embauche et à l’emploi, est l’une des premières question qui est ressortie. Ensuite on a les questions de discrimination sur l’accès au logement, aux services et aux droits. Donc on est en train de travailler avec tous les ministères concernés On se rend bien compte que ce sujet est au cœur de notre ministère.”

Où en est-on des violences faites aux femmes?

A deux ans du Grenelle sur les violences faites aux femmes, Elisabeth Moreno énumère toutes les actions de son ministère: mieux protéger les femmes, via les bracelets anti-rapprochement, (375 ont été jugés et mis en place par les parquets), 3000 téléphone violence danger et 60% plus de places d’hébergement d’urgence.  Mieux suivre les auteurs de violence avec la mise en place d’un fichier national et la saisie des armes à feu. Enfin mieux suivre les auteurs de violence, avec l’ouverture de près de 27 centres de prise en charge psychologique, médicale et socioprofessionnelle  pour éviter les récidives.

De l’existence d’un Ministère pour la parité

Pour répondre à une petite fille qui ne comprend pas pourquoi on a encore besoin d’un ministère de la parité en 2021, elle conclut avec un appel vibrant à la parité dans la vie professionnelle et les études pour toutes les jeunes filles, à la mise en sécurité des femmes dans l’espace public et à la fin des violences conjugales. “Je crois qu’il y a encore beaucoup de travail”, dit-elle.

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