Sommaire
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En Espagne, une mesure novatrice et controversée
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En France, certaines entreprises sautent le pas
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Un congé qui renforce les inégalités ?
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L’Espagne s’apprête à devenir le premier pays européen à instaurer un congé menstruel.
À l’initiative du ministère de l’Égalité, cette mesure soulagera de nombreuses femmes et permettra, selon celui-ci, de « mettre fin à la honte et au silence entourant les menstruations ». Cependant, en Europe, la question divise. En effet, pour certains, l’instauration d’un congé spécifique permettrait de dissiper petit à petit le tabou des règles, toujours fortement ancré dans notre société. Mais pour d’autres, cette mesure soulève la question de la stigmatisation des femmes dans le monde du travail…
En Espagne, le congé menstruel une mesure novatrice et controversée
Si l’exécutif obtient le feu vert des députés, l’Espagne deviendrait alors le premier pays en Europe et l’un des rares dans le monde à adopter le congé menstruel, actuellement en vigueur dans une poignée de pays, notamment au Japon, en Indonésie ou en Zambie. Portée par Irene Montero, ministre de l’Égalité, et l’une des chefs de file du parti de gauche radicale Podemos, cette loi permettra d’en finir avec « le tabou des règles », et le calvaire d’aller au travail « en se gavant de comprimés ». Les règles douloureuses concernent jusqu’à un tiers des femmes d’après la Société espagnole de gynécologie et d’obstétrique.
Une femme souffrant de douleurs de règles invalidantes, telles que des crampes très douloureuses, aura alors la possibilité de bénéficier de ce congé, pris en charge par l’État, à condition de faire valider cette demande par son médecin. Cependant, la proposition de loi n’est pas toujours vue d’un bon œil et trouve notamment ses détracteurs parmi les députés socialistes, ainsi que chez une partie des syndicats. Ces derniers estiment que cela risquerait de stigmatiser les femmes au travail, alors même que l’égalité homme-femme y est loin d’être acquise.
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En France, certaines entreprises sautent le pas
Bien qu’aucune loi de ce type ne soit encore en discussion en France, quelques entreprises ont pris seules cette initiative. C’est notamment le cas de La Collective, société coopérative montpelliéraine qui, en janvier 2021, a été le premier employeur français à proposer à ses salariées le congé menstruel facultatif. Un jour supplémentaire y est ainsi proposées aux femmes, pour les soulager face aux contraintes dues à d’éventuelles règles douloureuses. Selon Dimitri Lamoureux, co-gérant de la coopérative, « Il s’agit d’une avancée sociale importante pour favoriser la qualité de vie au travail et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Ce congé évite la double peine : les douleurs physiques et la perte de salaire »
Ce n’est pas l’unique société à avoir sauté le pas, puisque la start-up Louis Design, spécialiste du mobilier de bureau éco-responsable dans la région de Toulouse, offre également cette possibilité depuis le 8 mars 2022.
« Il s’agit d’une avancée sociale importante pour favoriser la qualité de vie au travail et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Ce congé évite la double peine : les douleurs physiques et la perte de salaire » Dimitri Lamoureux, co-gérant de La Collective
Un congé stigmatisant ?
Cette initiative n’est cependant pas du gout de tout le monde et pourrait aussi ressembler à une fausse bonne idée. En effet, comme le soulignent les députés socialistes espagnols, ce congé peut constituer un frein supplémentaire à l’embauche des femmes au sein des entreprises. Alors que les femmes sont bien souvent discriminées en raison du congé maternité, institutionnaliser ce type d’arrêt serait une autre source de mise à l’écart des personnes qui ont leurs règles. Ainsi, le congé ou arrêt menstruel n’est pas plébiscité par toutes les féministes, comme on aurait pu le penser.
Corinne Hirsh, experte de l’égalité professionnelle et vice-présidente du Laboratoire de l’égalité, avait déjà exprimé son point de vue dans un article de Madame Figaro en mai 2021:« avec ce genre de mesure, on revient cinquante ans en arrière ». Elle prévenait alors contre le fait d’« essentialiser les femmes », donc de les ramener une fois de plus à la maternité. « Le risque est aussi de favoriser les discours stéréotypés qui voudraient que les femmes soient forcément instables, ou de mauvaise humeur quand elles ont leurs règles ».
De plus, les règles sont encore trop mal vues par la société de manière générale pour que ce type de congé se démocratise complètement. En effet, en vigueur au Japon depuis 1947, le congé menstruel est quasiment ignoré et, bien qu’il soit inscrit dans la loi, moins d’1% des salariées le réclament.