#Metoo, la déferlante: 10 moments forts de sa naissance à aujourd’hui

Quinze ans après la naissance du premier mouvement et cinq ans après la publication dans le NewYorkTimes qui a mis le feu aux poudres avec l'enquête sur les crimes sexuels commis par le producteur de cinéma américain Harvey Weinstein et a créé une déferlante de paroles libérées, où en est-on de la vague #Metoo? On fait le point.

Sommaire

    • 1- La vraie naissance du mouvement #Metoo
    • 2- La publication de l’enquête du NYTimes déclenche le hashtag #Metoo
    • 3- Une pluie d’accusations s’abat sur Harvey Weinstein
    • 4- De #Metoo à #balancetonporc en France
    • 5- La vague #Metoo déferle sur le monde politique
    • 6- Misogynie du cinéma français: #Metoo s’invite aux César
    • 7- #Metoo inceste : le pavé dans la mare de « La Familia grande » de Camille Kouchner
    • 8- #Metoomedias et l’affaire PPDA
    • 9- Le mouvement #Metoo dans le monde
    • 10- Bilan et avenir du mouvement

1- La vraie naissance du mouvement #Metoo

Aujourd’hui on fête les 5 ans du mouvement #Metoo, mais saviez-vous qu’en réalité, le mouvement est né il y a plus de quinze ans? C’est Tarana Burke qui en est la fondatrice. Victime de viol, elle crée l’association Me too Movement en 2006 pour « sensibiliser à l’omniprésence des abus et agressions sexuels dans la société ». Pourquoi le nom « me too » ? Burke le justifie auprès du NewYorkTimes en 2017 par son incapacité à répondre « moi aussi » après qu’une jeune fille de 13 ans qui lui ait confié avoir été agressée sexuellement. Elle démarre alors une campagne sur Myspace – hé oui c’était le réseau social en vogue à l’époque – et son premier public était noir américain. En 2017, c’est l’actrice américaine Alyssa Milano – de la série à succès Charmed – qui poste le 15 octobre, sur twitter, le message suivant : « Si vous avez été harcelé ou agressé sexuellement, écrivez « moi aussi » ». En réponse à ce tweet #MeToo est repris 200 000 fois sur Twitter, 500 000 fois le jour suivant. 12 millions de publications sont créées en vingt-quatre heures sur Facebook.

2- La publication de l’enquête du NYTimes déclenche le hashtag #Metoo

Le 5 octobre c’est plutôt la date anniversaire de la publication au NewYorkTimes d’une enquête révélant les crimes sexuels commis par Harvey Weinstein, ce producteur intouchable du cinéma indépendant hollywoodien, faiseur de stars et de films à succès. Jodi Kantor et Megan Twohey sont les deux journalistes à enquêter. Jodi Kantor relate depuis 2013 les problèmes de parité dans les entreprises et dans les universités américaines. Ses articles ont d’ailleurs un impact réel puisque, suite à ses investigations, Amazon, Starbucks et Harvard adoptent des codes de conduite plus égalitaires. En 2014, elle se penche sur le cas d’Harvey Weinstein, et sa collègue Megan Twohey, qui a enquêté sur les comportements sexistes de Trump, la rejoint.

3- Une pluie d’accusations s’abat sur Harvey Weinstein

« L’histoire sonne tellement bien que je veux acheter les droits pour en faire un film » telle était la réaction d’Harvey Weinstein en 2017 suite à l’enquête publiée par Jodi Kantor et Megan Twohey. Plusieurs vedettes de cinéma l’accusent de harcèlement sexuel, d’agression et de viol. Parmi elles, témoignent des stars telles que Rose McGowan, Gwyneth Paltrow ou encore Angelina Jolie. Pour certaines, il aurait acheté entre 80 000 et 150 000 euros leur silence et en aurait menacé d’autres de réduire leur carrière à néant si elles n’acceptaient pas de lui faire des faveurs sexuelles. Il purge actuellement une peine de 23 ans en prison et encourt encore une peine de 120 ans.

« L’histoire sonne tellement bien que je veux acheter les droits pour en faire un film. »Harvey Weinstein, producteur indépendant de cinéma hollywoodien

4- De #Metoo à #balancetonporc en France

C’est la journaliste Sandra Muller qui, habitant à New York, fait un parallèle avec ce qu’elle vit dans son milieu, le journalisme. Le 13 octobre 2017, elle lance alors le mouvement en France sous le nom un peu plus violent de « balance ton porc » en écrivant dans un tweet : « #balancetonporc!! toi aussi raconte en donnant le nom et les détails un harcèlement sexuel que tu as connu dans ton boulot. Je vous attends. » Quelques heures plus tard elle écrit « ‘Tu as des gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit’ Eric Brion ex-patron de Equidia #balancetonporc. » En deux jours, le hashtag « balancetonporc » sera utilisé plus de 25 000 fois. En septembre 2019, elle sera condamnée à verser 15 000 euros d’amende à Eric Brion qui l’accuse de diffamation mais sera relaxée en mai 2022 par la cour de cassation.

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5-La vague #Metoo déferle sur le monde politique

Le 15 novembre 2021 une tribune intitulée « Il faut ‘écarter les auteurs de violences sexuelles et sexistes’ de la vie politique » est publiée dans le journal « Le Monde ». Signée par 285 femmes travaillant dans le milieu politique, elles exigent « que le monde politique prenne enfin en compte le mouvement #metoo ». Un mois plus tard, « Elues locales » le réseau national de femmes élues publie une enquête révélant que 3 élues sur 4 sont confrontées au sexisme lourd et enclenche le #metoopolitique. Ces agissements se matérialisent par des blagues, du harcèlement, des menaces et/ou des violences.

6- Misogynie du cinéma français: #Metoo s’invite aux César

Les autres milieux n’ont pas été épargnés. Au début de l’année 2020, la vague #Metoo s’abat sur le monde du cinéma. lors de la cérémonie des César. Adèle Haenel, qui a dénoncé en 2019 le réalisateur Christophe Ruggia « d’attouchements » et de « harcèlement sexuel » alors qu’elle était mineure, et la réalisatrice Céline Sciamma quittent la salle Pleyel à Paris à l’annonce de la remise du prix au réalisateur Roman Polanski, pour son film sur l’affaire Dreyfus, « J’accuse », lui-même accusé d’agressions sexuelles et condamné par le passé. « La honte ! », s’exclame à plusieurs reprises l’actrice.

7- #Metooinceste : le pavé dans la mare de « La Familia grande » de Camille Kouchner

L’année suivante, une nouvelle vague de témoignages déferle sur les réseaux sociaux avec la sortie du livre « La familia Grande » de Camille Kouchner le 7 janvier 2021. Elle accuse le mari de sa mère, le célèbre constitutionnaliste Olivier Duhamel, d’avoir abusé sexuellement son frère jumeau quand il avait 14 ans. Le hashtag « MeTooInceste » est lancé dans les jours qui suivent par des membres du collectif féministes #NousToutes et enregistre plus de 152 000 tweets sur toute l’année 2021.

8- #Metoomedias et l’affaire PPDA

Le hashtag #Balancetaredac et le groupe #Metoomedias, devenu une association, dénoncent la culture du viol dans les médias, avec en tête la ligue du LOL dont les membres ont été épinglés pour leurs propos ouvertement sexistes et sexuels. Jusqu’à l’affaire Patrick Poivre d’Arvor (PPDA) accusé de viol par Florence Poucel en novembre 2021. Depuis 23 femmes qui ont témoigné au commissariat et/ou dans les pages de Libération en clamant haut et fort, #Metoo, après la première déposition de Florence Pourcel. Pour nombre d’entre elles, les faits sont prescrits. Il n’en reste pas moins que pendant près de trente ans, plus de 8 millions de français suivaient chaque soir le JT de TF1 présenté par PPDA, à l’issue duquel celui-ci semblait agir impunément dans son bureau, selon un modus operandi bien rodé. L’ex-star du JT de TF1 fait encore l’objet de nombreuses accusations qu’il conteste, pour la plupart, et qu’il a dénoncé pour diffamation. La prochaine échéance est son procès pour les faits à l’encontre de Florence Pourcel, début juillet 2023.

9- Le mouvement #Metoo dans le monde

Malgré l’effet viral du mouvement #Metoo, la prise de conscience varie plus ou moins sensiblement au quatre coins du monde. Plusieurs critères sont à prendre en compte : les critères socio-économiques, culturels ou de religion. En Chine, le mouvement a pris de l’ampleur en 2018 quand la stagiaire Zhou Xiaoxuan accusait l’animateur de télévision Zhu Jun de l’avoir harcelée sexuellement en 2014. L’an dernier, c’est l’affaire de Peng Shuaï qui a mis le feu aux poudre. Après avoir accusé son ancien haut dirigeant du Parti Communiste Chinois d’agression sexuelle, elle avait disparu des radars plusieurs semaines avant de réapparaitre publiquement et déclarer «qu’ elle n’a jamais été victime de viol » avant d’ajouter qu’il « il y a eu beaucoup de malentendus » sur une affaire « d’ordre privé ».

Sur le continent africain, peu de pays ont pu jouir du mouvement afin de libérer la parole des femmes. Un article publié dans « The conversation » donne plusieurs pistes pour expliquer le retard du mouvement sur le continent. D’une part le mouvement a été initié par des femmes blanches, plutôt riches et gravitant dans l’industrie cinématographique, et ayant accès aux plateformes digitales. D’autre part, la culture patriarcale dans de nombreux pays africains est très ancrée et les femmes ont peur que les lois ne les protègent pas.

10- Bilan et avenir du mouvement

Néanmoins le mouvement #Metoo a eu un impact considérable sur les mentalités dans de très nombreux pays. La parole des femmes s’est libérée aux USA et en Europe avec un corpus de lois promulguées depuis. Notamment la loi Schiappa de 2018 puis celle sur les délits sexuels et de l’inceste qui l’a suivi en avril 2021. Dans les colonnes du Monde, l’avocate Marie Dosé explique que les magistrats sont beaucoup plus sensibles à la parole des femmes depuis #Metoo, mais pour le sociologue et chroniqueur Mathieu Bock-Côté sur la chaine Europe 1, le mouvement #Metoo est abîmé depuis l’affaire qui a opposé l’actrice américaine Amber Heard à son ex mari Johnny Depp. Selon lui, « La société américaine s’est emparée de cette querelle hollywoodienne pour faire le procès des excès du mouvement #Metoo ». Il ajoute que ce mouvement s’est laissé emporté « par une inquiétante dérive » dont on serait témoins aujourd’hui. Son principal slogan qui vient d’exploser en vol, le « on vous croit » toujours sans nuance et à priori, alors que certaines exagèreraient et d’autres mentiraient. Quand on rappelle les chiffres des crimes sexuels impunis pour cause de non dénonciation – entre 12% et 18% des violences seulement sont dénoncées-, due à la honte ressentie, la peur de la stigmatisation ou des représailles, on se demande si ce ne sont pas encore  et toujours les mêmes propos minimisants et sexistes qui reviennent dans la bouche des « penseurs » de droite.

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