Sommaire
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Accusation de harcèlement sexuel à l’encontre d’un responsable politique chinois
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Une femme « hors du commun » qui s’affranchi du système
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Des solutions créatives pour détourner la censure des réseaux sociaux
- Peng Shuai durant un match le 2 septembre 2014 à l’US Open. Photo de Corinne Dubreuil/ABACAPRES
Accusation de harcèlement sexuel à l’encontre d’un responsable politique chinois
Dans un long message publié mardi soir, 2 novembre, sur Sina Weibo – l’équivalent de Facebook en Chine – Peng Shuai, une célèbre athlète chinoise a révélé être victime d’une agression sexuelle il y a dix ans de la part de Zhang Gaoli, ancien vice-premier ministre du Parti communiste. Agression qui, selon elle, se serait produite alors que l’épouse de M.Zhang montait la garde devant la porte de la chambre. « J’avais très peur. Cette après-midi-là, j’ai d’abord refusé. Je n’arrêtais pas de pleurer », raconte l’athlète. « En proie à la peur et au trouble (…) j’ai cédé, et nous avons eu un rapport sexuel. » Le témoignage a rapidement été effacé par la censure chinoise, de même que les réactions sur le sujet. Les recherches comportant à la fois les noms de Peng Shuai et de Zhang Gaoli étaient toujours bloquées sur Sina Weibo et sur le moteur de recherche Baidu.
« En proie à la peur et au trouble (…) j’ai cédé, et nous avons eu un rapport sexuel. » Peng Shuai, joueuse de tennis chinoise
Une femme hors du commun qui s’affranchi du système
Avec sa partenaire, la Taïwanaise Hsieh Su-wei, Peng Shuai a remporté le championnat de double à Wimbledon en 2013, puis à Roland-Garros en 2014. Cette même année, en simple, elle est allée jusqu’aux demi-finales de l’US Open.
Peng fait partie des athlètes qui se sont affranchis du système sportif chinois, qui impose à la plupart d’entre eux de reverser à l’État la majeure partie de leurs revenus et de s’entraîner sous la houlette d’entraîneurs désignés par l’Etat. Elle a été l’une des premières à signer un accord lui permettant de s’entraîner, de voyager seule et de conserver une part plus importante de ses revenus.
La censure et #Metoo en Chine
Jusqu’ici, jamais personne n’avait porté de telles accusations envers un responsable politique. Il faut dire qu’en Chine depuis 2018, le mouvement #metoo n’avait pas rencontré le succès escompté. En août 2021, plusieurs accusations de harcèlement sexuel – celui d’une employée du géant du commerce Alibaba par son supérieur, et ceux dont est accusé le chanteur Kris Wu par plusieurs fans – ont suscité l’indignation, mais les contestations ont peiné à prendre de l’ampleur en raison de l’environnement étroitement censuré.
Depuis les Etats-Unis, la militante féministe chinoise Lü Pin s’est exprimée à l’AFP : « Peng Shuai est une chinoise hors du commun qui s’est battue seule pour parvenir à des résultats de classe mondiale et pourtant elle a dû faire face à ce genre de choses, ce qui est vraiment affligeant ».
« Peng Shuai est une chinoise hors du commun qui s’est battue seule pour parvenir à des résultats de classe mondiale et pourtant elle a dû faire face à ce genre de choses, ce qui est vraiment affligeant » Lü Pin, militante féministe chinoise
Des solutions créatives pour détourner la censure des réseaux sociaux
Bien qu’elle ait plus d’un demi-million de followers, une recherche sur son nom ne donne qu’environ 700 résultats. En effet, pour éviter une censure évidente des mots sensibles, les autorités ont choisi la restriction des résultats de recherche. Son compte a par ailleurs été suspendu.
Cependant, les internautes ont depuis longtemps trouvé des solutions pour faire entendre leur voix sur les réseaux sociaux. Comme le souligne le média NPR, certains utilisateurs utilisent les hashtags #tennis et #melon – argot chinois pour désigner le drame – pour faire allusion au témoignage de Peng. Ces deux termes ont été brièvement utilisés sur Sina Weibo dans la nuit de mardi à mercredi.
En 2018, lors des premières accusations, les utilisateurs utilisaient les mots « riz » et « lapin » pour parler du mouvement #Metoo, car les mots chinois pour riz et lapin se prononcent « me too ».