Sommaire
-
Un Trump version coréenne
-
Yoon Suk-yeol, élu de justesse
-
Un campagne anti-féministe
-
La Corée du Sud à la traîne
-
L’opposition des sexes
-
Cibler les jeunes hommes frustrés
Un Trump version coréenne
C’est finalement Yoon Suk-yeol, 61 ans, ancien procureur et leader du Parti du pouvoir du peuple qui a emporté l’élection à la présidence coréenne. À l’issue d’une campagne présidentielle qui a révélé les profondes divisions politiques du pays, il a battu son rival progressiste Lee Jae-myung du Parti libéral démocrate. Il est donc élu président avec 48,6% des votes contre 47,8% pour Lee. Pour le Financial Times, certains « ont qualifié son style de campagne de « K-trumpisme », après qu’il ait fait l’éloge d’un ancien dictateur responsable du massacre de manifestants (…) et qu’il ait accusé les féministes d’être responsable du faible taux de natalité de la Corée du Sud. »
Le nouveau president Yoon Suk-yeol ©Photo by James Lee/Xinhua
Yoon Suk-yeol, élu de justesse
Sa campagne a ainsi pris des accents très anti-féministes, jouant sur le ressentiment de certains hommes touchés par la crise économique. « On a accusé Yoon de flatter des sentiments anti-chinois et anti-féministes largement répandus parmi les jeunes hommes dont le soutien s’est avéré crucial pour sa victoire », commente le New York Times. 77% des 44 millions d’électeurs sud-coréens ont voté et Yoon, entré en politique l’année dernière, devance son rival Lee Jae-myung du Parti démocrate progressiste par une marge de moins de 1%. L’élection s’est jouée à 247,077 votes seulement.
Un campagne anti-féministe
Parmi les thèmes qui ont marqué la campagne électorale, l’écart croissant des richesses, l’augmentation rapide des prix de l’immobilier mais aussi le statut des femmes. Assumant son anti-féminisme, l’une des promesses de campagne de Yoon est l’abolition du ministère de l’égalité des sexes. Le nouveau président reproche aux fonctionnaires du ministère de traiter les hommes comme des « criminels sexuels potentiels », et va jusqu’à affirmer « que les femmes sud-coréennes ne souffrent pas de discrimination systémique – malgré les nombreuses preuves du contraire », écrit The Guardian.
« Plus de la moitié des victimes d’homicide en Corée du Sud sont des femmes – un des ratios les plus élevés au monde » Time
La Corée du Sud à la traîne
Parmi les pays de l’OCDE, la Corée du Sud est pourtant clairement à la traîne en matière d’émancipation féminine. « Bien qu’un nombre record de 57 femmes aient été élues au Parlement lors des dernières élections d’avril 2020, elles ne représentent encore que (…) 19% des parlementaires. Dans le monde des affaires, peu de femmes occupent des postes dans les conseils d’administration, et le pays a le plus grand écart salarial entre sexes parmi les pays riches – les femmes gagnant 31,5 % de moins que les hommes. Plus de la moitié des victimes d’homicide en Corée du Sud sont des femmes – un des ratios les plus élevés au monde (la moyenne mondiale est d’environ 21%) », indique le Time.
L’opposition des sexes
Mais certains hommes, les jeunes adultes en particulier, se sont sentis aliénés par la poussée du président sortant Moon pour l’égalité des sexes. « Les progrès modestes réalisés par les femmes ces dernières années ont déclenché une réaction anti-féministe, (…) de jeunes hommes en colère critiquant ouvertement le féminisme et les femmes qui ose s’exprimer », analyse Time dans un article intitulé « Comment le Sud-Coréen Yoon Suk-yeol a capitalisé sur les réactions anti-féministes pour gagner la présidence ». Selon un sondage réalisé à la sortie des bureaux de vote par trois médias sud-coréens, 58,7% des hommes âgés de 20 ans et 52,8% des hommes âgés de 30 ans ont voté pour Yoon.
La politique du président sortant Moon Jae-in en faveur des femmes a provoqué la colère de certains hommes
©Joint Press Photo/Handout via Xinhua
Cibler les jeunes hommes frustrés
Les femmes âgées de 20 à 30 ans ont été plus nombreuses à voter pour Lee que pour Yoon, mais pas dans les mêmes proportions, ce qui indique que la stratégie de Yoon visant à cibler les jeunes hommes a porté ses fruits. « Il y a un vrai clivage politique entre des jeunes hommes de plus en plus conservateurs et leurs homologues féminines plus à gauche, non seulement sur les questions de genre mais aussi sur l’économie et la sécurité nationale », analyse le quotidien Korea Times, ajoutant que « les jeunes femmes ont le sentiment d’être peu représentées ». Pour Kim Jeong-ha, jeune fonctionnaire, citée par Bloomberg, « cette élection a été une bonne occasion de démontrer que les voix des femmes de 20 et 30 ans ne doivent plus être ignorées par les politiques. Le changement de présidence ne fera qu’approfondir le conflit existant entre les sexes. »