Sommaire
-
-
Des entreprises engagées contre les violences conjugales
-
Ecoute et bienveillance
-
Les violences conjugales concernent tout le monde
-
OneInThreeWomen accompagne femmes et hommes victimes
-
Un réseau en expansion
-
- Céline Bonnaire. Crédit : Jean-Luc Perreard
Violences conjugales : les victimes peuvent être vos collègues, vos N+1 ou encore les personnes que vous managez… Alors que l’Assemblée nationale a voté, le 16 janvier, une aide financière d’urgence aux victimes pour les aider à se mettre rapidement à l’abri, quel rôle peuvent jouer les entreprises sur ce sujet ? Céline Bonnaire, déléguée générale de la fondation Kering (créée en 2008 par le groupe de luxe français éponyme), est fermement convaincue qu’elles sont un levier crucial. « Plus d’une femme sur quatre a déjà été victime de violence conjugale », alerte-t-elle, conformément à l’étude mondiale résumée dans Le Monde.
Pour Informelles, elle revient donc sur l’initiative OneInThreeWomen, réseau européen mis en place en 2018 par la fondation Kering et FACE (Fondation agir contre l’exclusion). Le nom fait référence à une autre donnée dramatique : comme le rappelle l’Organisation mondiale de la santé, « au cours de sa vie, une femme sur trois est victime de violence physique ou sexuelle de la part d’un partenaire intime ou de violence sexuelle de la part de quelqu’un d’autre que son partenaire – soit environ 736 millions de femmes ».
Des entreprises engagées contre les violences conjugales
Informelles : Qu’est-ce que le réseau européen OneInThreeWomen, en bref ?
Céline Bonnaire : C’est un réseau d’entreprises qui travaillent ensemble pour lutter contre les violences conjugales, et mettent en commun les meilleures pratiques. Il compte actuellement 16 membres, dont L’Oréal, Korian, Sanofi ou encore La Poste. Les actions passent notamment par la sensibilisation et la formation des différents collaborateurs, quelles que soient leurs fonctions. Par exemple, nous avons créé un e-learning de 30 minutes en huit langues. Et nous dispensons des formations en partenariat avec des associations spécialisées, telles que celles de la Fédération Nationale Solidarité Femmes.
Vos formations ne transforment pas les collaborateurs en professionnels de l’écoute ou de l’accompagnement…
C.B. : En effet, l’idée c’est que les personnes formées orientent la victime vers les bonnes structures et les bons dispositifs (NDLR externes ou internes). Par exemple, chez Kering une victime peut avoir accès à des mesures de protection comme le changement du lieu de travail, ou encore recevoir dans nos locaux une association spécialisée.
Ecoute et bienveillance
Incitez-vous à la détection des violences conjugales, ce qui poserait des questions de respect de la vie privée malgré toutes les bonnes intentions à l’œuvre ?
C. B. : Non. Nous sommes dans une logique d’écoute, de bienveillance et d’orientation.
Au sein des entreprises membres de OneInThreeWomen, les victimes parlent-elles, sur leur lieu de travail, des violences subies ?
C.B. : Nous avons interrogé 40.000 salariés, résultat : 37 % des femmes en parlent à un collègue au sein de l’entreprise.
« OneInThreeWomen est un réseau d’entreprises qui travaillent ensemble pour lutter contre les violences conjugales, et mettent en commun les meilleures pratiques. » Céline Bonnaire, déléguée générale de la fondation Kering
Les violences conjugales concernent tout le monde
Un ou deux conseils à donner aux managers et collaborateurs pour accompagner au mieux les victimes ?
C.B. : Avoir en tête qu’il n’y a pas de profil-type de femme victime ou d’homme auteur, ni de check-list des symptômes. Tout le monde peut être concerné. Il est important d’être dans l’écoute, de croire la parole de la victime. Cependant, ne donnez pas de conseils : chaque femme sait ce qui est bon pour elle.
Imaginons le pire scénario : un manager commence à s’agacer que telle collaboratrice, victime de violences conjugales et soutenue par son entreprise, ne quitte toujours pas son conjoint alors qu’entre autres dégâts, son travail en pâtit…
C.B. : Cela n’est pas censé arriver chez nos entreprises membres, qui sont toutes dans la bienveillance. De plus, nos formations visent aussi à désamorcer les éventuelles attentes irréalistes en matière de temporalité, en faisant comprendre le cycle des violences conjugales… Ce que nous expliquent les associations partenaires, c’est qu’en moyenne une femme va devoir faire sept allers-retours avant de pouvoir quitter son compagnon.
Combien de victimes ont été accompagnées dans le cadre du réseau ?
C.B. : Nous n’avons pas cette information, mais cela fait partie des indicateurs qu’on aimerait bien avoir, tout en respectant le principe de confidentialité.
Lire aussi
• Vues du monde : les Britanniques s’attaquent aux violences sexistes
• L’éclairage de Floriane Volt sur l’appel des femmes aux candidats à la présidentielle
OneInThreeWomen accompagne femmes et hommes victimes
D’après le site Vie publique, « 88% des mis en cause pour violence conjugale sont des hommes. Pour chaque nature d’infraction, la part des hommes varie de 86% à 100%, sauf pour les injures et diffamations, où 61% des personnes mises en cause sont des femmes (mais cette catégorie ne représente que 1% des violences conjugales) ». A l’échelle de OneInThreeWomen, y a-t-il eu des hommes victimes accompagnés ?
C.B. : Oui, quelques-uns (NDLR en pratique, homme victime n’est pas synonyme de femme autrice, puisque les violences peuvent être commises par un homme sur son compagnon).
Un conseil à donner aux femmes victimes qui nous liraient ?
C.B. : Ce n’est pas vraiment un conseil, mais surtout : ne vous sentez pas coupables. La culpabilité ne doit jamais être du côté de la victime.
Un réseau en expansion
Un message à adresser aux entreprises ?
C.B. : J’espère que d’autres entreprises rejoindront notre réseau OneInThreeWomen : plus on est, plus on met en commun, mieux on pourra lutter contre les violences conjugales. Nous pourrions par exemple viser l’objectif de 50 nouveaux membres dans les cinq années à venir…